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Alan Silva : Figures libres
Alan Silva n'a pas à proprement parler d'instrument de prédilection. A partir de l'âge de 10 ans, à New York, où il grandit, il suit des cours de violon et de piano. Il étudie aussi la trompette à la Manhattan School of Music avec Donald BYRD et la composition avec Bill DIXON. Il projetait alors de devenir peintre ou compositeur de musique contemporaine. Ayant l'occasion d'effectuer de nombreux remplacements à la contrebasse, il adopte cet instrument, professionnellement dès 1959, et donne lui-même des cours privés à partir de 1961. Dans les années 60, c'est donc en tant que contrebassiste qu'il se fait connaître et côtoie les principaux tenants de la scène free. En 1964, il joue au sein du Free Form Improvisation ensemble, avec Burton GREENE (pianiste), Gary William FRIEDMAN (saxophoniste) et Jon WINTER (flûtiste). Ce quartette se produit lors d'une série de concerts organisés par Bill DIXON à New York, manifestations aujourd'hui connues sous le nom d'" October Revolution in Jazz ". Fidèle compagnon d'Alan SILVA, Bill DIXON a exercé une influence souterraine mais décisive sur l'ensemble du mouvement free. Dans la foulée, en décembre 1964, Bill DIXON monte l'éphémère Jazz Composer's Guild Association 1. Cette organisation para-syndicale (comprenant, entre autres, Carla et Paul BLEY, Burton GREENE, Michael MANTLER, Archie SHEPP, Sun RA, Cecil TAYLOR...) avait pour but de défendre voire d'améliorer les conditions de travail imposées aux musiciens d'avant-garde par les compagnies de disques, les propriétaires de clubs et autres organisateurs de concerts. En effet, aux Etats-Unis, les free jazzmen éprouvaient certaines difficultés à se produire sur scène et à enregistrer leur musique dans des conditions décentes, du fait des discriminations raciales, mais aussi parce que leur musique ne correspondait pas aux canons reconnus. Ils s'attiraient d'autant plus la méfiance des grandes firmes de disques qu'ils s'inscrivaient explicitement dans une politique contestataire vis-à-vis des circuits commerciaux traditionnels.
Les années 1965/66
sont particulièrement actives pour SILVA. Il se produit d'abord
avec Bill DIXON. Ils accompagneront notamment, en duo, la danseuse
Judith DUNN. Alan SILVA intègre ensuite la formation du pianiste
tellurique Cecil TAYLOR. Il apparaît par exemple sur les disques
pour Blue Note, "Unit Structures" et "Conquistador !", ainsi que lors
de deux concerts à Paris. Puis Alan SILVA rejoint, de 1966
à 1968, la formation conduite par le saxophoniste Albert AYLER,
figure emblématique de cette New Thing qui déchaîne
les passions. Alan SILVA apparaît sur "Love Cry" (1968). Sur
ce disque Albert AYLER, et son frère Don à la trompette,
alternent passages tout en ferveur (marqués par l'influence
des fanfares d'antan) et accalmies méditatives. La section
rythmique est composée d'Alan SILVA à la contrebasse
(jouée à l'archet sur certains passages), Milford GRAVES
à la batterie et Call COBBS au piano et au clavecin. Elle brode
un tapis sonore tout en finesse, telles des gouttes d'eau frappant
la surface d'un étang, un accompagnement idéal pour
nos deux souffleurs.
A Paris, Alan SILVA monte le Celestrial Communication Orchestra. La première mouture de ce collectif (1969/1971) sera pour Alan SILVA un champ d'expérimentations instrumentales et d'improvisation collective. Lors du premier enregistrement "Luna Surface" (BYG/Actuel, enregistré à Paris le 17 août 1969) l'orchestre compte dans ses rangs 11 musiciens, dont Bernard VITET, Anthony BRAXTON, Beb GUERIN et Archie SHEPP. Le deuxième disque du Celestrial "Seasons" (BYG/Actuel, enregistré à la Maison de l'O.R.T.F., à Paris le 29 décembre 1970), rassemble, l'Art Ensemble of Chicago au complet, Steve LACY, Bobby FEW, Michel PORTAL et Bernard VITET, pour n'en citer que quelques uns. La réédition sur la compilation Jazzactuel 3 d'un extrait de "Seasons" (part. 6) permet d'avoir un aperçu de ces premiers enregistrements.
"My country" (Leo Records) enregistré en concert en janvier 1971, lors du Festival de Musique contemporaine de Royan paraît en comparaison beaucoup plus structuré. Il débute par des chorus dignes de l'Art Ensemble of Chicago. Les "solistes" sont beaucoup plus détachés de l'ensemble et peuvent surplomber l'orchestre. Des passages apaisés permettent aussi aux différentes sections ou instrumentistes de s'exprimer. Durant l'année 1970, Alan SILVA effectue une longue tournée avec l'orchestre de SUN RA, pianiste et claviériste volontairement énigmatique, qui conduit sa grande formation telle une secte qui adorerait un dieu extra-terrestre. La même année Alan SILVA, Muhammad ALI, Frank WRIGHT et Bobby FEW fondent le collectif Center Of The World, destiné à la publication de leurs enregistrements communs. Alan SILVA traversera avec eux les années 70. Ils se produiront notamment au sein du Frank Wright Quartet-Center of the World. C'est également sur le label Center of the World qu'Alan SILVA publie Inner Song en 1974, son unique album solo. Il y joue de la contrebasse, du piano, de l'orgue et s'essaie même au chant. Parallèlement, Alan SILVA s'investit dans l'enseignement. En 1974 il dirige un stage et organise des concerts de free music à l'American Center, Boulevard Raspail. " Je ne voulais absolument pas avoir une relation prof/élève avec des individus, mais enseigner en groupe, tous instruments confondus, dans un contexte improvisationnel plus libre. Alors, avec des certains de mes "élèves" nous avons trouvé une cave et de plus en plus de jeunes venaient me trouver " 4. Finalement, avec Jim WILKES et Sandy DOMINICK, il créé en 1976 l'Institut Art Culture Perception (IACP). Bill DIXON y tient le premier stage.Deux principaux axes définissaient l'enseignement au sein de l'institut : la perception musicale et l'improvisation instrumentale. Alan SILVA tient des "séances d'écoute" de disques très divers (musiques traditionnelles, jazz, musique contemporaine), voire d'un seul son continu à l'instar de ceux utilisés par LaMonte Young, et ce dans l'obscurité totale afin d'aménager un environnement permettant une concentration maximale. Concernant l'improvisation instrumentale, l'IACP se situait également en rupture avec l'enseignement académique. Selon François COTINAUD, " Alan Silva s'est inspiré ici de ses propres références musicales (Cecil Taylor, Sun Ra, Bill Dixon) et de l'univers d'expression que ceux-ci génèrent, mais aussi de la philosophie de Joseph Schillinger (The Mathematical basis of the Arts) qui s'intéresse aux courbes de fréquences, à la propagation du son, aux permutations dans la musique, aux méthodes de variation et de composition musicale. " 5.
Il n'a pas abandonné la contrebasse pour autant. Il en joue sur le disque du quartette d'Abdelhaï BENNANI (saxophone) "Enfance" (Marge, 1998), aux côtés de Itaru OKI et Makoto SATO (batterie). Itaru OKI, trompettiste, bugliste et compositeur, commença sa carrière au Japon à la fin des années 50 et participa activement à la scène jazz japonaise jusqu'en 1974 date à laquelle il s'installe à Paris. Il fait partie du Celestrial Communication Orchestra de 1978/1982, et de Texture, autre ensemble émanant de l'IACP. En 1999 Alan SILVA revient également à son grand cheval de bataille : l'orchestre. A New York il conduit le Sound Visions Orchestra auquel participent une vingtaine de musiciens, américains pour la plupart. Programmé lors du Vision Festival organisé par Wiliam Parker, ce concert a fait l'objet d'un disque "Alan Silva & the Sound Visions Orchestra" publié par Eremite.Une nouvelle mouture du Celestrial Communications Orchestra, "édition américaine" cette fois, s'est produite en mai 2001 lors du Uncool Festival of International Contemporary Music 6 (La Prese/Lago Di Poschiavo, Suisse). Au programme une composition/improvisation d'Alan SILVA titrée "Resolution 557 Improvisation Is A American Treasures" jouée par plus d'une vingtaine de musiciens dont William PARKER (contrebasse), Bobby FEW (piano) et Joseph BOWIE (trombone), Itaru Oki (trompette) et Johannes Bauer (trombone). Cette nouvelle réunion du Celstrial Communication Orchestra a été publiée sous la forme d'une "Treasure Box" : un coffret 4 CD accompagné de lithographies Récente
discographie d'Alan Silva : C'était
: le 5 février
2003 - Institut Franco-Américain -
Rennes : In
The Tradition Quartet Notes : 1- Le flambeau fut repris
quelques années plus tard par Michael MANTLER et Carla BLEY
avec la Jazz Composer's Orchestra Association (JCOA). Cette structure
fut autant un orchestre qu'une association destinée à
la publication d'enregistrements. 2- Vincent Cotro, Chants libres : le free jazz en France, 1960-1975, Paris : Outre Mesure, 1999, p. 70. Retour au texte 3- Coffret de trois CD publié par le label Charly en 2000 proposant une sélection d'extraits des disques publiés par BYG/Actuel entre 1969 et 1971. Retour au texte 4- Jazz Hot n° 397, janvier 1983, p. 35. Retour au texte 5- Concernant l'IACP, François
Cotinaud propose une présentation particulièrement intéressante
sur son site Web : http://www.jazzbank.com
6- Uncool Festival of
International Contemporary Music Retour
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