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Dominique Grimaud - Interview Portrait
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virtuelle "SLIDE"
Interz : Quelle relation entretient le disque avec l'installation qui l'a générée, et pourquoi ce choix d'un enregistrement au studio du Centre Culturel André Malraux et de la technique du mixage plutôt que d'utiliser un témoignage brut des interventions avec les invités lors de Musique Action ? Dominique GRIMAUD : Aucune des interventions durant le festival n'avaient été enregistrées. Le disque Slide est la version studio de l'installation qui eut lieu au festival Musique Action à Vandoeuvre-Les-Nancy en mai 1998. C'est à dire que les séances ont eu lieu avec tous les invités de ces dix "concerts de poche" et uniquement avec eux, rencontrés et choisis sur les lieux du festival le jour même, ou la veille. Le faire au studio du C.C.A.M. et sur le label Vand'œuvre était une évidence.
Dominique GRIMAUD : Déjà
avec le disque précédent, Géorgia Peach de Peach
Cobbler, il était question de blues, même dans Moonbean Movies
en 1990, il y a un blues avec le chanteur Han BUHRS. Interz : Peut-on voir Slide comme une tentative de rapprochement du blues et des musiques improvisées telles qu'elles se pratiquent ici depuis 30 ans ? Dominique GRIMAUD : Oui, ily a dans Slide une tentative de rapprochement entre le blues et les musiques improvisées, le blues était de toute façon une musique plus ou moins improvisée. On oublie aussi qu'avant de devenir une musique folklorique avec ses codes, ses traditions, ses obligations, le blues était une musique hautement innovatrice. C'est seulement une tentative de rapprochement, certainement plus un collage qu'une fusion.
Dominique GRIMAUD : J'ai rencontré Rick Brown qui jouait à l'époque avec Guigou Chenevier dans Les Batteries. Puis, j'ai rencontré ensuite Sue Garner qui jouait avec Rick dans Fish & Roses. Lorsque j'ai entendu cette femme chanter sur scène, j'ai voulu absolument enregistrer des morceaux avec elle. Ce qui est étonnant, c'est que Rick & Sue ne connaissaient absolument pas les blues traditionnels des années trente, que je leur proposais. Cette musique leur était totalement inconnue. Ils ont davantage la connaissance de la country blanche des états du sud (dont Sue est originaire). D'ailleurs chanter certains textes à connotations rurales et vieillotes leur a posé problème. Leur rapport au blues à eux Américains est bien différent du mien petit européen. Mais finalement, ce fut une belle expérience, nous étions tous très satisfaits de cette sorte de carnet de voyage outre-atlantique. Interz : Dans le morceau repris de Mississipi Fred McDowell, l'introduction nous faisait penser à Harry Partch. Etait-ce volontaire ? Dominique GRIMAUD : Personnellement, je connais très peu la musique de Harry Partch, mais Guigou Chenevier, qui est le principal intervenant entre la minute une et la minute quatre de ce morceau, est un fan de ce musicien. L'instrument qu'il utilise sur ce morceau est un "bidophone", un cable et des tiges tendus à l'intérieur d'un bidon métallique.
Dominique GRIMAUD : Il y a
sûrement des analogies entre V. A. et Slide, normal ! Même
si l'instrumentation est quelque peu différente. Dans V. A., nous
aimions bien proposer des ambiances très différentes d'un
morceau à l'autre, même contradictoires parfois. Nous apportions
beaucoup d'attention à cela. Interz : Peux-tu parler du travail visuel lors des concerts de Vidéo-Aventures ? Dominique GRIMAUD : Avec V. A., nous avions tenté de créer un spectacle ("Carnet de Bord"). Il y avait un grand écran (14x5m) sur lequel étaient projetées des diapos à partir de 12 projecteurs (un peu comme les écrans multiples d'Abel Gance). Les instruments et les deux musiciens tout en blanc étaient intégrés à l'écran. Nous n'avons présenté ce "Carnet de Bord" que quatre fois et dans d'assez mauvaises conditions la plupart du temps.
Dominique GRIMAUD : Chris Cutler appréciait les deux volumes d'Un Certain Rock(?) Français, Camizole également. C'est vrai, c'était peut-être surprenant de retrouver V. A. sur le label Recommended, mais Chris CUTLER est de toute façon quelqu'un de surprenant, c'est selon moi une grande qualité. Interz : Comment s'est produite la rencontre et la participation de Cyril Lefèbvre à V. A.? Dominique GRIMAUD : Cyril Lefèbvre était à l'époque installé à Toulouse où il travaillait avec Jean-Pierre Grasset (Verto), l'équipe du studio Tangara où Etron Fou avait enregistré son second album, c'est par ces gens là que je l'ai connu. Cyril Lefèbvre est un "grand" ! Comme l'a écrit Jacques Debout : "… Cyril Lefèbvre fait sienne la morale de l'oncle bricoleur du Boris Vian de la Java des bombes atomiques selon laquelle ça n'est pas la puissance de la bombe qui importe mais l'endroit où ce qu'elle tombe"1. Dommage que Cyril Lefèbvre n'ait pas enregistré de disques sous son nom depuis 1979. Ca m'a fait bizarre, 10 ans après l'avoir invité à jouer de la slide sur les albums de V. A., de suivre moi-même un peu ses traces (bien modestement, car Cyril Lefèbvre est un roi de la glisse, moi non !), de comprendre comment il avait joué tel ou tel morceau, les open tuning, etc.
Dominique GRIMAUD : Oui, succès
d'estime et petite reconnaissance posthume… Interz : Camizole, ce premier groupe répertorié (peut-être il y en a eu d'autres avant ?) semblait être l'un des plus affirmés dans le refus du système et la critique de la sacralisation du musicien et de la musique. Il semble que cet esprit très critique allait bien au delà de ce qui concerne la musique ? Dominique GRIMAUD : Camizole était ni plus, ni moins semblable, ou tout du moins comparable aux autres formations et musiciens agiteurs de l'après mai 1968 (Etron Fou, Barricades, Komintern, Lard Free, Nu Creative Method, Red Noise, Heldon, Papa Speed, Urban Sax, Jacques Berrocal, etc…).
Dominique GRIMAUD : Tout pouvait arriver lors d'un concert de Camizole ! C'est clair, tout pouvait arriver, aussi bien musicalement, que scéniquement. Aucune limite, on pouvait jouer seul, à deux, à quatre, inclure d'autres musiciens. Commencer avant l'heure, s'arrêter au bout de cinq minutes, etc.. Interz : C'est à cette période que tu as rencontré Gilbert Artman et tu collabores encore à Urban Sax. Est-ce que Gilbert Artman est quelqu'un qui t'a influencé ? Dominique GRIMAUD : J'ai énormément appris avec Gilbert Artman. Il a une façon et des méthodes de travail très personnelles et peu orthodoxes. Je lui doit beaucoup. J'ai appliqué pour le cd Slide des méthodes de construction / composition / mixage que j'ai apprises avec lui. On a oublié ces dernières années la grande originalité et la grande force du projet Urban Sax. Lard Free était aussi un fameux groupe. Interz : Pourquoi le choix de couverture pour Un Certain Rock (?) Français d'une pochette de Robert Wood puis d'un dessin de Captain Beefheart ? Dominique GRIMAUD : Je crois
me souvenir que j'avais envie de couvertures qui ne représentent
pas directement un musicien en action. Tout simplement parce que le choix
aurait été impossible. Pourquoi celui-ci, ou ce groupe plutôt
que celui-là, etc..
Dominique GRIMAUD : Non, les pratiques musicales sont bien différentes maintenant, car l'environnement (le monde) a changé. Cela a basculé à partir de 1981, quand il y a eu des subventions. Interz : Pourquoi ne pas avoir continué avec un volume 3 ? Dominique GRIMAUD : C'était un assez gros travail et le Volume n° 2 ne s'est vendu qu'à 300 exemplaires à l'époque donc… Interz : La rubrique Cross Note que tu animes dans Revue & Corrigée mériterait une mise en perspective (regrouper tous ces articles). Peux-tu expliquer l'intention de fond ? Dominique GRIMAUD : Dans Cross Note, mon désir est de montrer que ce que l'on écoute aujourd'hui n'est que le reflet de ce que l'on (ou d'autres) écoutait hier. Je tente de trouver et démontrer d'où viennent les musiques d'aujourd'hui, de faire voir le fil conducteur. Interz : Pourquoi ne pas avoir sorti plus de disques ? Dominique GRIMAUD : Chaque disque (et faire de la musique de manière générale), pour des gens comme moi, ou Jac Berrocal, ou Pierre Bastien et d'autres est un investissement important, parfois (souvent) difficile. Il y a des moments de bonheur, mais aussi de souffrance, un combat, une ténacité, etc…
Dominique GRIMAUD : Slide
continue d'évoluer, il y a de nouveaux appareillages musicaux,
fétiches, constructions, etc. 1. Extrait de l'introduction au long entretien avec Cyril Lefèbvre réalisé par Jacques Debout dans le n° 36 de Revue & Corrigée. retour au texte 2. Il s'agit du disque de ZNR "Barricade 3". retour au texte |
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