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Dossier
Vernon Reid
Faire le portrait d’un musicien
tel Vernon Reid est une gageure tant le parcours de ce musicien est
parsemé de multiples projets, de rencontres dans des styles souvent
très divers. L’apprentissage Né le 22 août 1958 en Angleterre, il émigre avec sa famille deux ans plus tard à Brooklyn. Il étudie à l’université dans la section « Performing Arts » (métiers du spectacle ) avant de fréquenter à partir de 1978 la scène downtown de New York (le Mudd Club, le CBGB’s) avec Defunkt et de rejoindre la Decoding Society du batteur Ronald Shannon Jackson. Les débuts «J’ai commencé
sérieusement à 16 ans. J’avais fait un petit semestre
de conservatoire et j’avais eu quelques profs, mais bon surtout en jouant
sur les disques. C’est une approche non orthodoxe d’improvisation, les
gens disent que je joue à côté du rythme. Je me
demande toujours ce qu’ils veulent dire par-là, que je n’ai pas
un approche diatonique ? Je joue ce que j’entends dans ma tête.
J’ai eu de super profs, comme Bruce Johnson ou Rodney Jones. Carlos
Santana a été une grande influence, Jean –Paul Bourelly
aussi (il est vraiment génial ), Hendrix aussi bien sûr,
Alan Holdsworth, Georges Benson, Mike Stern, James Blood Ulmer, John
Mc Laughlin, Steve Vai, …» Un élément essentiel de sa personnalité musicale découle de son passage dans la Decoding Society du batteur texan Ronald Shannon Jackson et du concept musical cher à Ornette Coleman de l’harmolodie. Ronald Shannon Jackson et la Decoding Society, harmolodie, Ornette Coleman«Ronald Shannon Jackson est un musicien extrêmement exigeant. Avec lui, je devais me livrer complètement, et me remettre constammment en question. Malgré les nombreuses périodes de doute que j’ai traversées au sein de Decoding, j’ai appris énormément de choses. Faire six albums avec Jackson et beaucoup de concerts, mes premières véritables tournées en fait, fut une expérience extrêmement enrichissante». Guitar & Bass n°30,juin 1996 « Jouer avec
Shannon a été une expérience intense. J’ai beaucoup
appris. Dans sa conception de l’harmolodie, très mélodique,
très « chanson », il a toujours insisté sur
un aspect : le blues. Shannon est une forte individualité, il
suit son chemin. Les racines de Living Colour, mon ancien groupe, viennent
de là. Sa musique, comme celle d’Ornette ou de James Blood Ulmer,
est vraiment hors catégories. Même dans la tradition de
l’avant-garde – l’avant-garde a une tradition, un tradition acoustique.
C’est en 1984 que Vernon Reid forme Living Colour au départ sous la forme d’un trio. Puis rapidement le line-up se fixe autour des quatre membres Vernon à la guitare, Corey Glover au chant, William Calhoun à la batterie, Muzz Skilling à la basse. Trois albums verront le jour : Vivid (1988), Time’up (1990), Stain (1993 avec l’arrivée à la basse de Doug Wimbish ) ainsi que de nombreux maxis (« Biscuits »,1991 avec notamment des reprises de James Brown, Al Green , Jimi Hendrix, des inédits et dans sa version japonaise des lives du groupe ; « Dread » (1993 ) maxi japonais avec des lives notamment des sessions acoustiques enregistrées lors d’un passage du groupe sur les ondes de la radio hollandaise) et une compilation Pride (1995) avec les 4 derniers titres enregistrés par Living Colour. «Living Colour était un groupe sauvage et étrange. Quand on se sentait libre, c’était formidable. Mais c’est devenu de plus en plus structuré, en partie à cause de moi. On s’est fait critiquer parce que nous jouions du hard-rock, mais peu de groupes de ce genre ont fait ce que nous faisions sur scène. Sur disque, il y avait les chansons. Sur scène, nous déconstruisions». Jazzmag n°463, octobre 1996 Parallèlement à cela Vernon Reid à participé à la création de la Black Rock Coalition avec le journaliste Greg Tate en 1983. Cette organisation a pour but de faciliter l’accès des musiciens noirs dans l’industrie musicale. La guitare Son approche et son intérêt pour les musiques se traduit évidemment dans sa pratique de l’instrument. Ses préoccupations s’inscrivent autant dans la recherche de sons nouveaux au travers des effets (utilisation de la Whammy pedal, de la Space station Digitech, utilisation de nouveaux systèmes de guitares synthées) que dans la technique guitaristique proprement dite (son utilisation du tapping notamment n’est en rien comparable aux classiques plans heavy metal mais lorgne plutôt vers la musique électronique ou vers l’évocation des sons des films de science fiction). «La guitare
est un outil de valeur et c’est extraordinaire comme elle reste pertinente.
Prenez les boucles de hip hop : les plus funky sont celles de la guitare.
C’est un instrument qui a toujours sa place, mais qui doit sans cesse
être redéfinie. C’est dans cette perspective que je me
place. C’est pourquoi ce disque (« Mistaken Identity » se
reporter à la discographie) est très différent
de ceux réalisés par des guitaristes. Je ne postule pas
à devenir un autre Joe Satriani, je le dis sans aucune connotation
négative. Je veux être moi-même. Et si certains me
perçoivent comme un guitar-hero, il s’agit encore d’un exemple
d’identité erronée». Son approche de la théorie musicale semble elle aussi atypique. L’intérêt qu’il lui porte, en tout cas , est guidé par le souci de ne pas se laisser enfermer dans des schémas rigides et d’y trouver matière à expérimentation. «Ce ne sont
pas les connaissances théoriques qui feront de toi un musicien
mais la façon dont tu vas les utiliser. La théorie est
un ensemble de règles précises, à chacun de les
bidouiller pour en faire ses propres règles. Certains musiciens
ont une inhibition vis-à-vis de ces règles, et ne peuvent
s’en éloigner, tout comme certains peintres réalistes
pour qui l’objectif est de reproduire exactement un modèle existant.
Ceux qui me fascinent sont les surréalistes, qui partent d'une
réalité pour créer leur propre univers en modifiant
une partie de cette réalité. Je considère la musique
et la peinture d’un même point de vue.
«Je viens
du blues et du rock et j’ai débuté avec Shannon Jackson.
Puis j’ai commencé à utiliser des gammes différentes
en la matière mais ma grande inspiration c’est Joe Dioro, un
grand guitariste de jazz qui a introduit le glissement chromatique et
l’octavie. Au lieu de jouer des séquences chromatiques tu joues
une note puis la suivante, tu la joues une octave plus haut ou plus
bas et tu fais pareil pour les suivantes. Ca devient beaucoup
plus angulaire, heurté, cassant et les intervalles sont plus
larges. De la même façon au lieu de jouer des gammes pentatoniques
il joue ton sur ton et il utilise des gammes demi-diminuées.
Je me suis servi des chromqtiques sans pour autant monter et descendre
sans arrêt, charger de direction et sauter des cordes … J’essaie
d’improviser de ne pas construire mes solos. J’ai joué du jazz
pendant longtemps et les gens me demandent pourquoi je joue telle ou
telle note alors que je veux développer un style. Je n’aime pas
ce qui est conventionnel». Ces conceptions théoriques et cette recherche de style ne saurait masquer l’importance dans son jeu et dans ses compositions de l’improvisation et du rock : ceux qui l’on vu lors de son passage au Hot Brass à Paris en novembre 1996 seront certainement d’accord avec cette affirmation. «… J’adore
définitivement l’énergie brute du rock, ce côté
« kick out the jams, motherfuckers !». J’ai pour seule philosophie
de répondre à ce que requiert l’instant. Quant à
savoir si je joue à l’intérieur ou à l’extérieur
de l’accord, c’est comme les gens qui parlent de valeurs familiales,
ça ne veut absolument rien dire. L’instinct prime, la technique
ne sert qu’à exprimer l’émotion dans l’instant. On peut
toujours envisager des choses de façon conceptuelle. Une autre
est de se rendre réceptif à ses émotions les plus
vraies pour qu’elles s’engouffrent dans la brèche».
Emotions, technique, énergie, connaissances… des éléments fusionnant déjà dans la marmite Living Colour et qui suivent toujours un musicien doté d’autant de dreadlocks sur la tête que de cordes à sa guitare. Désormais, il œuvre en solo (« Mistaken identity »,1996 ; « This Little Room »,2000) ou collabore avec de nombreux musiciens (tel que David Torn et Elliot Sharp entre autres) multipliant les projets. Page suivante : les Projets solos de Vernon reid |
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