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Jean-François Pauvros

Jean-François Pauvros promène depuis 30 ans sa silhouette dégingandée de funambule nomade sur les sentiers escarpés des musiques de traverse, avec ses rifs de guitare mutante comme lignes de fuite et un grand amour des rencontres comme gouvernail.

De ses jeunes années passées dans le Nord de la France, Jean-François garde le souvenir ému de la tradition des carnavals comme les fameux Gilles de Binche à Douai. Ses débuts passés à faire danser les couples dans les fêtes populaires, pour banals qu'ils puissent paraître, ont pourtant forgé le tempérament de générations de musiciens. Au sein du groupe de bal du " roi belge de l'accordéon " (!), il improvise en effet des nuits entières à la basse et à la guitare sur les valses, les tangos et les rocks ! Puis il fait ses premières armes avec le groupe de rock progressif Moebius, dans lequel officient également Philippe Deschepper et le batteur Gaby Bizien.

Pauvros est l'un des premiers en France dès le milieu des années 70 à emboîter le pas au guitariste de free jazz américain Sonny Sharrock et à développer un jeu libre et intuitif. Sa pratique oblique de la guitare, mais jamais à l'horizontale comme la " guitare préparée " inventée Keith Rowe, privilégie le corps à cœur et la recherche tactile d'une nouvelle musicalité. Son acharnement à extirper toutes sortes de sons inouïs de ses cordes attaquées à l'archet comme Jimmy Page de Led Zeppelin ou livrées à une saturation méticuleuse, lui forge un instrument hybride à mi-chemin entre le violoncelle et la cithare ethnique électrifiée, propice à toutes les aventures sonores.

Jean-François Pauvros

Assez atypiques dans le paysage musical hexagonal de l'époque, ses joutes avec le percutant ferrailleur Gaby Bizien apparaissent rétrospectivement assez proches du duo d'Outre-Manche Derek Bailey / Tony Oxley. De fait, leur disque produit en 1976 par Jef Gilson et son éphémère label Un-Deux-Trois (réédité en CD par Spalax en 1996), rencontre une écoute favorable de la part des britanniques promoteurs au sein de la Music Improvisation Company de la free music. Jean-François Pauvros improvise également à cette époque avec le bassiste allemand free Peter Kowald. En marge de ce duo explosif avec Bizien, Pauvros crée une musique nouvelle de haut vol en compagnie d'un claviériste échappé de la sphère du free jazz franco-américain, Siegfried Kessler. Leur disque " Phénix 14 ", enregistré en une seule nuit, du 13 au 14 juillet 1978 et paru au Chant du Monde (hélas ! non réédité), révèle des textures sonores ciselées et une alchimie de l'improvisation en duo qui les rapprocherait même par moment de certaines écritures électroacoustiques !

La rencontre de Pauvros avec le trompettiste et chanteur Jac Berrocal et son groupe polymorphe Catalogue va alors être déterminante pour la cristallisation de ses idées musicales. Il partage avec Berrocal la même envie de tordre le coup aux idées communes, de mélanger musiques populaires et recherche sonore, de passer au scalpel free jazz, punk rock'n'roll, chanson, improvisation… Catalogue va se stabiliser assez rapidement autour de la formule magique du trio, avec le batteur et claviériste du groupe Lard Free Gilbert Artman, créateur et compositeur d'Urban Sax. Leur disque " Pénétration " enregistré live dans une brasserie en Suisse en 1982 et sorti sur Hat Hut (réédité en CD en 96), témoigne de l'incandescence et de l'imprévisibilité de ce power trio à rebrousse-poil. Jean-François Pauvros participera ainsi pendant une bonne douzaine d'années, en France comme aux Etats-Unis, aux élucubrations no future du trublion Jac Berrocal !

Au début des années 80, il croise la route d'Américains venus se ressourcer au terroir de la Sarthe, dans le fameux festival organisé à Chantenay-Villedieu par l'agitateur Jean Rochard, notamment Arto Lindsay du groupe new-yorkais no wave DNA avec qui il partage une pratique intuitive de la guitare ou Ernie Brooks, le bassiste des Modern Lovers. Avec eux, le saxophoniste free Evan Parker, le saxophoniste et chanteur punk Ted Milton de Blurt, le batteur Terry Day et quelques autres, Pauvros accouchera de deux opus essentiels où la chanson dévoyée côtoie l'improvisation, le rock déluré se mélange au free funk à la James Blood Ulmer. " Le Grand Amour " en 85, suivi de près par " Hamster Attack " en 87 voient le jour sur le label Nato du même Jean Rochard.

Jean-François Pauvros commence alors à être régulièrement sollicité outre-atlantique. Dès les années 80, il rencontre à New York les piliers de la scène dite downtown, comme le guitariste Elliot Sharp ou Sonic Youth. La Monte Young, le pionnier de la musique minimale répétitive lui demande même de participer à une exécution de son " Poem for chairs " à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris en 1989, sous la direction de Rhys Chatam ! Il est aussi l'une des 100 guitares qui interprètent au quatre coins du Monde la composition minimale " An angel moves too fast to see " de ce dernier, par exemple en 2004 à Nantes au Lieu Unique. Depuis quatre ans, au sein de The Deep Blue Sea, aux côtés de Jonathan Kane l'ancien batteur du groupe noise industriel The Swans et d'Ernie Brooks, il participe à la relecture du répertoire du blues électrique de Chicago !

Il côtoie régulièrement la guitare préparée de Jean-Marc Montera, le batteur émérite Chris Cutler, la harpiste Hélène Breschand, et nombre d'improvisateurs vétérans ou émergents. On peut ainsi l'entendre régulièrement au festival Musique Action organisé par le Centre Culturel André Malraux de Vandoeuvre-les-Nancy, aux Instants Chavirés de Montreuil, en décembre dernier au Groupe de Recherches et d'Improvisations Musicales (GRIM) de Marseille... Invité de la première édition du festival " All Improvista " organisé par le club de Jazz le Pannonica à Nantes en mai 2004, il se mettra de nouveau en danger aux côtés de nombreux improvisateurs lors de la seconde édition en juin 2005.

A la fin des années 90, avec le joueur de synthés analogiques Jean-Marc Foussat et le batteur Makoto Sato, Pauvros crée Marteau Rouge, groupe qui privilégie surtout le travail des textures sonores et la spontanéité, tout en cherchant à inventer et pérenniser un langage propre, à la différence des rencontres improvisées par définition éphémères. La musique de Marteau Rouge se forge dans des contextes variés, en accompagnement du film de Dreyer " La Passion de Jeanne d'Arc ", en première partie de Sonic Youth à l'Olympia en 2002 et souvent en compagnie d'invités comme le saxophoniste et trompettiste américain Joe McPhee, le trompettiste Itaru Oki, le saxophoniste Maki Nakano et la danseuse Yuko Kametani et la danseuse Butô Maki Watanabe.

Il joue aussi depuis quelques années dans Les 4 Filles de l'industrie aux côtés du penitre Jean-François Binet au sampler, Jean-Marie Messa à la guitare, Ernie Brooks à la basse et Makoto Sato. Après " Ondine / Antenna " produit par le groupe en 1999, un nouveau disque doit sortir prochainement (Cf. http://quatrefi.club.fr/index.html).

Toujours soucieux d'expérimenter sur son instrument, il confronte régulièrement sa pratique à celle d'autres guitaristes, comme par exemple le pionnier britannique Derek Bailey ou encore les guitariste japonais Keiji Haino (Cf. " Y " par sur Shambala en 2000) et Kawabata Makoto (Cf. " Venus " récemment sorti sur le label japonais PSF). Le label contemporain de Radio France Signature a publié en 2004 " Ecume ou Bave " qui officialise sa collaboration avec le guitariste touche-à-tout Noël Akchoté et le bluesman mutant Red.

Pauvros joue pleinement son rôle de passeur en s'occupant à Paris de l'association Campus, qui propose divers studios de répétition et d'enregistrement. Cette passion pour les musiciens de tous poils ne l'empêche pas d'expérimenter avec des artistes d'autres disciplines.

Depuis le début des années 90, Jean-François Pauvros compose régulièrement pour la danse et principalement pour la chorégraphe Anne Dreyfus. Plusieurs ballets ont vu le jour : " Divine fois 4 ", " Acmé " et " Le corps est un menteur ", qui ont d'ailleurs fait l'objet de deux disques chez Spalax. Il participe également à la conception, la réalisation et la mise en scène des chorégraphies " Le Grand Amour " et " Fée d'hiver ". Enfin, Il se produit souvent en duo avec Anne Dreyfus, Masaki Iwana et Dina Emerson de la compagnie Meredith Monk.

Pauvros a aussi composé et interprété de nombreuses musiques de films, courts métrages, reportages, fictions, dont " Entrée de secours " de Jérôme de Missolz, " Klossowski " et " C'est de l'art " de Pierre Couliboeuf, " En attendant la vague " et " Elle voit des plis partout " de Guy Girard, " La Mécanique des femmes " de Jérôme de Missolz ou encore " Royal Bonbon " de Charles Najman.

C'est aussi un amoureux des mots et de la littérature, comme en témoignent ses morceaux basés sur des textes de Pierre Mc Orlan ou Pasolini, un spectacle improvisé autour de la chasse au Snark de Lewis Carroll et ses collaborations fréquentes avec des poètes contemporains, comme Setsuko Chiba (Cf. " Mango, Mango " sorti sur Spalax en 1997), Michel Bulteau (Cf. " Rinçures " sur Fractal en 1999), Charles Pennequin ou encore Gozo Yoshimasu avec lequel il se produit régulièrement au Japon et récemment en mars 2005 à Paris et Nantes.

Pauvros ne se cantonne pas dans le domaine expérimental, comme en témoignent des incursions répétées dans la chanson, comme sa reprise de " Mon Homme " de Mistinguette paru en 45 tr sur Rectangle en 1999 ou son spectacle sur la chanson contestataire à la Cité de la Musique donné en décembre dernier.

Sa discographie reflète donc le caractère de sa musique : protéiforme et fondée sur les rencontres, les collaborations artistiques. Une exception s'en détache pourtant : " La Belle Décisive ", disque solo magnifique sorti chez In Poly Sons en 1996 et basé sur le thème de la folie. Comme l'arlequin trismégiste d'Apollinaire ou des Gilles de Binche qui observerait Alice passée de l'autre côté du miroir, Pauvros se met ici à nu et sa voix étrange baigne dans des atmosphères indicibles, façonnées comme de l'Art Brut par la guitare, le piano et autres bricolages sonores sur la corde raide. Dans un hors-série récent, le magazine Les Inrockuptibles a d'ailleurs fait entrer " La Belle Décisive " dans leur palmarès des meilleurs disques des années 80-90.

Adopté par les indiens Shawnees et le Japon où il se produit fréquemment, tout autant à l'aise dans le folklore imaginaire des pechnos dadas Look De Bouk que sur scène avec des musiciens éthiopiens ou des improvisateurs européens, Jean-François Pauvros parvient, tel Zelig l'homme caméléon de Woody Allen, à se fondre dans tous les territoires sonores !

Infos et discographie détaillée sur http://potfou.free.fr/jfpsite.shtml

Jean-François Pauvros était en concert avec Marteau Rouge
le 26 Mai 2005 au Mondo Bizarro pour la Soirée Musiques de traverse organisée par InterZones

 
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